Par Camille Bourgeois, consultante chez CHEFCAB

Comment prétendre viser le plein emploi quand une génération reste bloquée sur le quai ? Le plein emploi est certes un cap politique affiché avec constance. Mais c’est aussi un objectif qui restera hors d’atteinte tant qu’on traitera l’insertion professionnelle des jeunes comme une politique de rattrapage et non comme une priorité économique.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 19,2 % des 15-24 ans étaient au chômage au premier trimestre 2025, soit plus du double de la moyenne nationale (7,4 %). Et près d’un jeune sur sept est considéré comme NEET, ni en emploi, ni en études, ni en formation.

Derrière ces chiffres, se dessinent des parcours hachés, des choix d’orientation peu accompagnés, et des transitions vers l’emploi qui restent, pour beaucoup, semées d’obstacles.

Pourtant, depuis plusieurs années, la France multiplie les dispositifs : contrat d’engagement jeune, apprentissage, Écoles de la 2e chance, missions locales, service civique… Un foisonnement d’outils, mais trop souvent sans articulation, sans cap clair. Dernière initiative en date, le lancement le 10 juin dernier d’un open badge pour reconnaître sur LinkedIn ou un CV l’expérience acquise en service civique, en dit long. Elle part d’une bonne intention : donner une valeur visible à un engagement qui, trop souvent, ne parle pas aux recruteurs. Mais elle révèle surtout une faiblesse : il faut désormais labelliser la preuve que des jeunes ont appris autrement.

Le sujet n’est pas l’absence de dispositifs. Il est dans leur fragmentation. Il est lié à l’incapacité à construire un continuum entre la formation, l’engagement, l’expérience concrète et l’entrée dans la vie active. Il réside surtout dans notre difficulté à changer de regard : en France, l’insertion reste perçue comme une mesure sociale pour publics vulnérables. Ailleurs, c’est un investissement.

Prenez le Québec, qui vient de dévoiler un Plan d’action jeunesse 2025-2030 doté de 515 millions de dollars et articulé autour d’une idée simple : préparer les jeunes à la vie active en leur donnant les moyens d’agir, d’expérimenter, de s’orienter, de créer. Ce plan ne se contente pas d’ajouter des couches : il crée des ponts. Entre l’école et l’entreprise (avec des stages dès 14 ans), entre les jeunes et des professionnels (via une application de mentorat), entre l’idée et l’action (clubs d’entrepreneurs, concours, ateliers pratiques). Là où la France multiplie les dispositifs sans toujours les relier entre eux, le Québec fait le choix d’un cadre commun, d’une méthode et d’une temporalité partagée. Une stratégie pensée dans la durée, pilotée de manière interministérielle, et conçue pour soutenir les jeunes à chaque étape clé de leur chemin vers l’emploi. Une logique d’ensemble qui fait encore défaut de notre côté de l’Atlantique.

Des leviers existent pourtant pour tenter de faire mieux. D’abord, en généralisant les immersions professionnelles précoces : observer un métier, c’est souvent comprendre qu’il est accessible à toutes et tous. Ensuite, en systématisant le mentorat dès le lycée, pour que l’orientation ne soit plus une loterie sociale. Enfin, en valorisant dans les parcours, à l’image du badge Service civique, l’expérience acquise en dehors des cadres académiques traditionnels.

L’insertion des jeunes ne peut plus être une variable d’ajustement. Elle doit être le moteur de la relance. Parce que former, accompagner, valoriser les jeunes, c’est aussi préparer notre économie à absorber les transitions à venir – écologiques, numériques, démographiques. Parce qu’une génération bien insérée, c’est une génération qui s’engage, innove, et investit dans son pays.