Par Alexandra Gaboriau, consultande chez Chefcab
En décidant de solliciter la confiance du Parlement, François Bayrou s’est engagé dans une bataille perdue d’avance. Un pari d’honneur qui semble voué à l’échec.
Le béarnais tente pourtant de faire valoir un consensus minimal : invité du JT de France 2, il souligne ce jeudi 4 septembre que RN et PS partagent son diagnostic budgétaire : le pays vit au-dessus de ses moyens et doit réduire sa dette. Mais l’accord s’arrête là.
« À l’issue de ses consultations avec les représentants des partis politiques, le Premier ministre a admis que les oppositions divergaient radicalement sur les solutions : le PS mise sur de nouveaux impôts, notamment sur les entreprises et le capital ; le RN préfère pointer les dépenses liées à l’immigration. »
Deux visions irréconciliables, qui ne dessinent aucune alternative de gouvernement et accentuent la solitude de Bayrou à quatre jours du vote.
D’autant que les mesures sur lesquelles il avait choisi de capitaliser – la suppression de deux jours fériés, la réouverture du dossier des retraites – se sont révélées de véritables lignes rouges. Rejetées par l’opinion, elles ont tendu les relations avec les partenaires sociaux sans jamais susciter d’adhésion. Aujourd’hui, elles semblent politiquement disqualifiées et ont peu de chances d’être reprises dans le futur budget.
Le successeur de François Bayrou héritera donc d’une mission impossible : tracer un cap lisible dans une Assemblée éclatée, où aucune majorité claire ne se dégage. Matignon devra se muer en chef d’orchestre patient, en négociant bloc par bloc, pour bâtir une majorité d’idées, même fragile.
« C’est dans ce cadre que le champ de l’emploi et de la formation professionnelle devient aussi un terrain d’incertitude. »
Depuis des mois, l’exécutif a cherché à reprendre la main sur les dépenses de formation, sous la contrainte d’un déficit chronique de France Compétences. Des pistes de durcissement ont été mises sur la table s’agissant du CPF : plafonnement des bilans de compétences, hausse du reste à charge pour les actifs, limitation de leur fréquence, encadrement plus strict via un cahier des charges national. À cela s’ajoutent un projet de loi contre la fraude sociale et un plan interministériel de contrôles renforcés, destinés à assainir le marché. Mais avec la perspective d’un nouveau gouvernement, le flou demeure sur l’avenir de ces mesures.
« Les acteurs du secteur, inquiets ces derniers mois, peuvent y voir un répit provisoire : dans l’état actuel des choses, les mesures les plus contraignantes ont peu de chances d’aboutir rapidement. »
Elles pourraient être repoussées, voire enterrées si la nouvelle majorité se construit hors du cercle actuel. Par ailleurs, même en cas de nomination de Catherine Vautrin à Matignon, la continuité des annonces resterait conditionnée à la recherche d’une majorité parlementaire.
Pour le reste, l’instabilité politique promet surtout de ralentir le tempo législatif. Le futur exécutif, quelle que soit sa couleur, devra trouver un subtil équilibre : entre sécurisation de la trajectoire budgétaire du pays, et négociations complexes pour trouver des voies de passage parlementaires.