Par Corentin Dattin, consultant senior chez Chefcab

Le renversement du gouvernement Bayrou à l’issue d’un vote de confiance à l’Assemblée nationale est une première sous la Ve République. Parlement imprévisible et exécutif fragilisé : le socle commun n’a même pas fait le plein lors du vote dans l’hémicycle (194 sur 210) lundi, signe que François Bayrou était déjà lâché par une partie de sa base.

La nomination en moins de vingt-quatre heures de Sébastien Lecornu en a surpris plus d’un. Alors qu’il avait fallu près de 3 mois au Président de la République pour nommer Michel Barnier, et 10 jours pour nommer François Bayrou, Emmanuel Macron a souhaité rapidement tourner la page du Palois.

« Une nomination le 9 septembre, veille du mouvement “Bloquons tout”, n’est non plus pas anodine : elle témoigne de l’enjeu pour le Président de la République de combler un vide politique, qui aurait placé la contestation sur sa personne, de rassurer des milieux économiques en quête de lisibilité et de préserver la séquence budgétaire de l’automne. »

Le premier chantier auquel le nouveau Premier ministre se consacre est de clarifier la base de ses soutiens. Car l’arithmétique demeure redoutable : Renaissance, MoDem et Horizons ne pèsent que 161 sièges. LR, qui oscille entre appui tactique et opposition de principe à quelques mois des municipales, ne peut être considéré comme un allié de toute circonstance. Quant au PS et au RN, le premier exclut toute participation à un gouvernement, tandis que le second maintient une pression en faveur d’une dissolution, dont il pense pouvoir sortir renforcé.

Faut-il pour autant s’en remettre au hasard des motions de censure ? Ce n’est pas le chemin que semble emprunter Sébastien Lecornu depuis mardi.

« En menant de premiers échanges avec les forces syndicales et l’ensemble des groupes parlementaires dès sa prise de fonction, le Premier ministre entend rompre avec son prédécesseur, à qui reproche a été fait de consulter trop tardivement. »

Aux oppositions, Sébastien Lecornu devrait ainsi faire une offre : participer à la stabilisation pour faire voter un budget sincère et soumettre des propositions visant à infléchir la copie présentée par François Bayrou, sans dénaturer l’objectif de réduction des dépenses. Si le nouveau Premier ministre ouvre effectivement la porte à des ajustements sur le prochain budget, la table ne devrait pas être renversée pour autant : après Michel Barnier et François Bayrou, Sébastien Lecornu représente un changement dans la continuité, où les ballons continueront d’être joués avant tout sur l’aile droite.

« À l’heure où les discussions s’ouvrent avec les différents partis politiques, chacun aura néanmoins à l’esprit les échéances électorales de mars prochain. »

Quelle stratégie LR adoptera vis-à-vis du gouvernement, divisé entre la ligne Retailleau et la ligne Wauquiez ? Jusqu’où le PS sera-t-il prêt à négocier sur le budget, au risque de rompre définitivement avec le NFP et de réduire ses chances de succès lors des municipales ? Le jusqu’au-boutisme du RN sur la dissolution ne risque-t-il pas d’anéantir sa stratégie de notabilisation menée depuis 2022 ?