Par Léa Trentalaud, consultante senior chez CHEFCAB
« Elon Musk ministre en charge de « l’efficacité gouvernementale » »
De retour dans le bureau ovale, Donald Trump a nommé son fidèle lieutenant Elon Musk ministre en charge de “l’efficacité gouvernementale”, en lui assignant la mission de tailler dans les dépenses publiques et de “démanteler la bureaucratie gouvernementale”. Le sulfureux ministre-entrepreneur vise près de 2000 milliards de dollars d’économie, soit 7% du PIB américain. Et après les promesses, les actes ne se sont pas fait attendre avec le gel annoncé ce mardi de l’ensemble des fonds fédéraux d’assistance et de soutien. Les programmes liés à la transition écologique, et les aides aux zones touchées par des catastrophes naturelles sont notamment dans le viseur – alors même que la deuxième ville du pays vient d’être ravagée par les flammes. Si la mesure a été temporairement bloquée par un juge fédéral, puis retirée face au tollé suscité, elle donne le ton des ambitions présidentielles en la matière.
Plus au sud du continent américain, le Président argentin Javier Milei est lui aussi un aficionado des coupes budgétaires et des coups médiatiques. Après avoir mené sa campagne tronçonneuse à la main, symbole de la réduction drastique des dépenses publiques qu’il comptait mener, le Président argentin a supprimé près de 34 000 postes de fonctionnaires, et divisé par deux le nombre de ministères, démantelant au passage bon nombre de politiques publiques à destination des plus démunis. Si la baisse de l’inflation est remarquable – elle est passée de 25,5% à 2,4% en un an – les conséquences sociales de cette cure d’austérité sont également tangibles : le taux de pauvreté a progressé de 11 points, avec plus de la moitié de la population considérée comme pauvre, et le taux de chômage a bondi de 24% en un an.
Ces mesures drastiques aux conséquences sociales tragiques, plébiscitées par Trump et Milei, semblent pourtant inspirer certains politiques français en quête d’attention médiatique.
« Si cette rhétorique dérégulatrice revient régulièrement dans le débat public, et bien que les arguments d’allègement administratif et de compétitivité soient entendables, la réalité est plus complexe que les effets d’annonce. »
Ainsi, Eric Ciotti présentait-il la semaine dernière son plan visant à tailler dans la dépense publique, reprenant le slogan du populiste argentin “Afuera !” (dehors), et s’affichant en conférence de presse avec une tronçonneuse flambant neuve. Le désormais patron de l’UDR (Union des Droites Républicaines), allié au Rassemblement National, plaide notamment pour une diminution de la dépense publique de 120 milliards d’euros par an, mais aussi pour la suppression de 100 000 normes. Si cette rhétorique dérégulatrice revient régulièrement dans le débat public, et bien que les arguments d’allègement administratif et de compétitivité soient entendables, la réalité est plus complexe que les effets d’annonce. Les promesses de suppression aveugle d’un nombre aléatoire de normes pourraient vite se transformer en massacre à la tronçonneuse, au détriment de l’environnement, de la sécurité et de la santé.
« Au gouvernement, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a affiché son soutien aux agences de l’Etat et au travail de leurs agents, plaidant pour un « juste équilibre entre normes et actions ». »
Si la tronçonneuse a du succès, d’autres lui préfèrent la hache, à l’instar de Valérie Pécresse. La Présidente de la région Ile-de-France proposait dans son programme présidentiel de 2022 un “comité de la hache”, suivant la même métaphore des coupes tous azimuts. Valérie Pécresse – qui s’est empressée de saluer la nomination d’Elon Musk – semble avoir ressorti sa hache du placard, exhortant lors de l’examen du budget 2025 à “découper en petits morceaux tous ces codes, (…) supprimer toutes ces agences qui démembrent l’Etat”. Parmi les cibles de l’ancienne ministre, l’ADEME, chargée du déploiement des politiques publiques liées à la transition énergétique, considérée comme trop coûteuse. Son collègue député Laurent Wauquiez fustige pour sa part “ces agences à l’origine de normes qui épuisent notre pays”, et le Président du Sénat Gérard Larcher a également cité l’agence comme une source d’économies potentielles. Au gouvernement, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a affiché son soutien aux agences de l’Etat et au travail de leurs agents, plaidant pour un “juste équilibre entre normes et actions”.
A l’heure des économies de bout de chandelles, les agences et les normes sont des cibles faciles, mais derrière ces arguments budgétaires, le risque est réel de voir des dispositifs concrets au service de l’environnement, mais aussi de l’accompagnement des plus démunis, taillés à la hache.