Par Camille Bourgeois, consultante chez CHEFCAB
La rentrée sociale 2025 dépasse le simple climat de tension : elle prend des allures d’épreuve de vérité pour le gouvernement comme pour les partenaires sociaux. En annonçant qu’il engagerait sa responsabilité le 8 septembre, François Bayrou a choisi le risque politique absolu. Mais derrière ce panache institutionnel se cache une ultime tentative d’esquisser un projet économique et social dont les failles apparaissent déjà.
Face à la CFDT, le Premier ministre a annoncé vouloir confier aux partenaires sociaux la gestion de l’assurance chômage et de l’assurance vieillesse. Une main tendue ? Pas tout à fait. Car cette confiance est assortie d’une “règle d’or” : l’équilibre financier fixé par la loi.
Autrement dit, aux syndicats de gérer la pénurie, sous la surveillance permanente de l’État. On est loin d’une autonomie réelle. Et les intéressés ne s’y trompent pas : même la CFDT, pourtant réformiste, n’a pas masqué son scepticisme, dénonçant un « musée des horreurs ».
L’incompréhension est renforcée par les mesures phares du plan d’économies, 44 milliards d’euros à trouver, qui ciblent directement salariés et retraités : suppression de deux jours fériés, nouvelle réforme de l’assurance chômage, réduction des effectifs publics. La CFTC déplore que “les efforts ne soient pas partagés par tous”, FO dénonce l’absence de justice sociale, la CGT appelle à “bloquer le pays” le 10 septembre. Quant au patronat, il reste prudent : la CPME critique un discours exclusivement tourné vers la rigueur, et le Medef, tout en saluant l’alerte budgétaire, prévient que la stabilité politique ne saurait se construire au prix d’une fiscalité accrue sur les entreprises.
Dans ce contexte de rigueur imposée, François Bayrou cherche à donner une orientation positive : faire des compétences et du travail les ressorts de la relance. Le diagnostic fait consensus : la France mobilise mal ses jeunes, prisonniers de la précarité des débuts de carrière, et ses seniors, trop vite écartés. D’où un plan d’urgence pour l’emploi des jeunes, l’expérimentation d’une année propédeutique au BTS et une meilleure orientation pour élargir le vivier productif. Mais ces ambitions affichées s’inscrivent dans une logique paradoxale : présentées comme des leviers d’avenir, elles restent indissociables de l’équation budgétaire.
À force de lier insertion, formation et équilibre des comptes, le gouvernement risque de réduire la compétence à une variable comptable, là où elle devrait être envisagée comme un investissement stratégique.
Dans la même veine, François Bayrou cherche à compléter son discours sur les compétences par une promesse de dialogue sur les conditions de travail. Il annonce l’ouverture d’une grande négociation nationale : prévention des risques, revalorisation des grilles, reconnaissance du travail bien fait. Le ton se veut attentif, presque réparateur. Mais la juxtaposition des mesures, avec la suppression de jours fériés d’un côté et la promesse d’écoute du terrain de l’autre, produit une impression de dissonance. Un affichage d’ouverture qui, en sommes, entretient le sentiment d’incohérence chez ceux auxquels il s’adresse.
Le Medef, réuni cette semaine, a mis les mots sur le paradoxe de cette rentrée politique : la rigueur est sans doute inévitable, mais l’instabilité politique aggrave le risque économique.
Si le gouvernement tombe, rien n’aura été réglé. S’il survit, il devra affronter une société convaincue que l’effort n’est pas équitablement partagé.
Le pari de François Bayrou est donc double : sauver son gouvernement et convaincre que rigueur et confiance sociale peuvent aller de pair. L’histoire jugera si ce fut un moment de courage ou l’aveu d’une méthode à bout de souffle.