Par Nicolas Citti, consultant chez CHEFCAB

C’était à prévoir ; l’épopée du Paris 2024 s’achève. Symbole du rayonnement sportif, la flamboyante montgolfière des Tuileries a vocation in fine à être démantelée, et ne subsistera que dans les doux souvenirs des quelques millions de spectateurs. Toutefois, faut-il se résoudre à laisser cette belle dynamique retomber ? Faut-il nécessairement revenir aux passions tristes qui caractérisent, hélas, la société française ? Cela n’est ni acceptable, ni souhaitable pour le pays.

« (…) l’enjeu pour ces prochaines décennies sera d’élever le débat d’idées, d’élever nos ambitions en matière de politiques publiques, et surtout, de capitaliser sur l’émotion et l’envie de dépassement, (…). »

À l’image de cette montgolfière qui illumina le ciel parisien, et qui représentait malgré tout une certaine idée de la France, de l’excellence sportive, et de sa capacité à adresser chaque individu à l’échelle planétaire, l’enjeu pour ces prochaines décennies sera d’élever le débat d’idées, d’élever nos ambitions en matière de politiques publiques, et surtout, de capitaliser sur l’émotion et l’envie de dépassement, suscité lors de ces dernières semaines. 

Espérons que cela puisse bénéficier à un défi très concret, à savoir l’attractivité de la France à l’égard des talents internationaux, et en particulier les étudiants. Dans les faits, la question de l’attractivité de la France n’est plus uniquement celle des investisseurs ou des entreprises, elle est aussi celle des particuliers, c’est-à-dire les intellectuels, futurs ingénieurs, cadres dirigeants et chercheurs qui façonneront la société économique et culturelle à l’horizon 2030.

« Derrière ces chiffres, en découle une pensée préoccupante : la France peine à attirer les bons profils. »

Premièrement, un constat ; selon les chiffres de l’OCDE, en 2022-2023, la France accueillait près de 250 000 étudiants internationaux. Un chiffre important, certes, mais infime en comparaison avec nos voisins britanniques et américains, qui séduisent respectivement 600 000 et 900 000 jeunes du monde entier. Derrière ces chiffres, en découle une pensée préoccupante : la France peine à attirer les bons profils. Cette situation est d’autant plus paradoxale que si l’on considère que, selon l’OCDE, les étudiants internationaux en France affichent un taux d’emploi de 75% supérieur à celui des étudiants français eux-mêmes. Comment expliquer cette défaillance d’attractivité ? Pourquoi un pays doté d’un patrimoine éducatif prestigieux, d’un système de santé unique, et d’un tissu associatif robuste, peine-t-il à attirer les talents ? 

« (…), la France reste encore, dans une large mesure, figée dans un modèle trop rigide. »

Il est hautement probable qu’une des explications majeures à ce déficit des talents réside dans la barrière de la langue, avec une maîtrise de l’anglais qui peine à se développer dans le tissu économique. Nous avons longtemps considéré que notre langue était suffisante pour intégrer le marché économique. Cette posture se révèle aujourd’hui handicapante, et le retard accumulé demeure important. Tandis que les universités étrangères ont depuis longtemps adapté leurs formations aux besoins d’un public international, la France reste encore, dans une large mesure, figée dans un modèle trop rigide. Certes, les écoles privées ont su s’adapter à la mondialisation académique, notamment avec des programmes en anglais, mais en ce qui concerne les grandes universités publiques, l’offre en anglais reste encore limitée, freinant ainsi l’afflux des étudiants internationaux. En d’autres termes, le format universitaire français, assez rigide, peine à inclure les talents étrangers. 

« Ainsi, investir dans l’attractivité académique n’est pas seulement une question de soft power ; c’est une nécessité économique, et une piste pour optimiser nos finances publiques. »

Cette situation est dommageable, dans la mesure où les étudiants internationaux représentent un véritable gain économique pour le dynamisme hexagonal. D’une part, ils consomment en majorité dans le pays de résidence, résultant d’un gain de recette fiscale par la TVA. D’autre part, leur participation active au marché du travail – notamment par des emplois étudiants – génère des gains issus de leurs cotisations sociales (CSG, CRDS etc..). Ainsi, investir dans l’attractivité académique n’est pas seulement une question de soft power ; c’est une nécessité économique, et une piste pour optimiser nos finances publiques. 

Au-delà des enjeux concrets et techniques, c’est avant tout un enjeu culturel qui se joue. Nous avons l’obligation de repenser notre rapport à la réussite et à l’échec. Au sein du marché actuel – caractérisé par son incertitude et sa volatilité – la capacité à rebondir est une qualité primordiale, et la vision bien souvent rigide de la conception de « réussite à la française » doit évoluer. L’échec, encore perçu comme une tare, est valorisé dans les pays anglo-saxons comme une étape essentielle et progressive au succès. Cette transformation de mentalité, tant dans le monde académique que professionnel, pourrait jouer un rôle majeur pour attirer les jeunes talents internationaux, plus enclins à adhérer à une culture où l’audace et la prise de risques sont valorisées.

« Il est aujourd’hui nécessaire de percevoir les étudiants internationaux comme des contributeurs essentiels à l’avenir. »

Par conséquent, être dernier dans la compétition mondiale pour attirer les meilleurs talents, c’est à terme subir un déficit de compétences, pouvant avoir des répercussions importantes dans les différentes filières économiques. Il est aujourd’hui nécessaire de percevoir les étudiants internationaux comme des contributeurs essentiels à l’avenir. Il est ainsi temps d’agir, avant que la France ne se retrouve reléguée à la marge dans cette rude bataille pour l’attractivité des cerveaux. 

Souhaitons que la société à l’horizon 2030 soit à l’image de cette montgolfière des Tuileries, haute, flamboyante, et porteuse d’espérance.