Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB :

Fin de suspense pour la nomination de celui qui aura la charge de mener l’une des principales réformes de l’année à venir. Reconduit officieusement à son poste de Ministre de la Transformation et de la Fonction publique ce lundi 15 janvier lors d’une réception à l’Elysée des parlementaires de la majorité, Stanislas Guérini – ou « Stan » selon les mots du Président – aura bien la lourde tâche de porter la “réforme historique de la fonction publique”.

 « Le défi semble titanesque : 70 000 postes sont à pourvoir pour le 1er employeur de France »


Moins de certitude, en revanche, quant au maintien d’un ministère de plein exercice comme ce fut le cas dans les deux précédents gouvernements. Et pourtant le défi semble titanesque : 70 000 postes sont à pourvoir pour le 1er employeur de France.

« Une des grandes mesures figurant dans la future réforme de la fonction publique : les agents seront davantage payés au mérite »

À l’occasion de la grand messe présidentielle qui s’est tenue ce mardi 16 janvier et retransmise sur pas moins de 6 chaînes télévisées, c’est un Emmanuel Macron surplombant son auditoire qui a présenté l’une des grandes mesures figurant dans la future réforme de la fonction publique : les agents seront davantage payés au mérite. Alors que le gouvernement y voit un levier d’attractivité pour attirer et fidéliser les agents, d’autres acteurs craignent une remise en question des principes d’égalité et de solidarité qui font battre le cœur du service public français. Introduisant une dynamique à la performance, cette “prime au mérite” pourrait faire bouger les lignes d’un secteur habitué à une certaine homogénéité, l’objectif étant de “mieux rémunérer ceux qui se qui se décarcassent pour assurer nos services publics” assurait Emmanuel Macron en novembre dernier à l’Assemblée nationale. Cette mesure s’appuierait donc sur le système de rémunération actuel composé d’un salaire de base et de primes, avec une partie déjà attribuée sur le mérite via le complément indemnitaire annuel (CIA). Toutefois, cette part reste limitée à un pourcentage relativement faible du salaire total (15% pour la catégorie A, 12% pour la catégorie B et 10% pour la catégorie C) et ne bénéficie qu’à la fonction publique d’Etat. Elle permettrait aussi de récompenser collectivement des équipes via des primes décernées pour la réalisation d’objectifs spécifiques. Certaines voix syndicales se sont déjà fait entendre à l’instar de la CGT Fonction publique qui dénonce une rémunération “au mérite” injustifiée, signifiant que sur les 5,7 millions d’agents qui composent la fonction publique “[certains] ne seraient pas méritants”.

« Certaines voix syndicales se sont déjà fait entendre à l’instar de la CGT Fonction publique qui dénonce une rémunération “au mérite” injustifiée »

En amont de cette réforme déjà au centre de l’attention, les gouvernements d’Elisabeth Borne ont pris des mesures pour renforcer l’attractivité de la fonction publique : la création de la marque employeur “Choisir le service public” et la mise à disposition d’une plateforme d’offres d’emplois permettant de visibiliser les bassin d’emplois en tension, ou encore le lancement d’une étude sur l’attractivité de la fonction publique française initiée par la DGAFP dont nous devrions bientôt connaître les enseignements. La grande consultation gouvernementale lancée en juin 2023 auprès de tous les agents publics sur les relations managériales, le cadre et les conditions de travail, l’accompagnement RH, l’égalité professionnelle ou encore le logement, vient compléter ce tableau. 110 000 agents avaient alors répondu à la consultation Fonction Publique + et un top 5 des motivations identique pour les trois versants avait alors mis en lumière les caractéristiques de ce secteur. 65% des répondants ont mis « le désir de servir l’intérêt général » en première position et 36% l’ont choisi en premier critère d’entrée dans la fonction publique, quand le salaire arrive seulement en 11ème position à la question “Quelles sont les principales raisons qui ont motivé votre entrée dans la fonction publique ?” et en 9ème position pour le volet “fidélisation des agents”.

La réforme de la fonction publique qui sera dévoilée dans les prochaines semaines devra donc être en prise avec les aspirations qu’expriment celles et ceux qui ont fait le choix du service public. Un chantier de taille, s’il en est, pour que la fonction publique redevienne “l’employeur le plus attractif du pays », comme le suggérait Stanislas Guerini.