Par Camille Bourgeois, consultante junior chez CHEFCAB

L’annonce de la composition définitive du gouvernement le 8 février au soir a sonné le glas du ministère délégué à la formation professionnelle, seulement 18 mois après sa création. Un règne court certes, mais suffisant pour convaincre la filière de son utilité. Au lendemain de l’annonce de la nouvelle architecture gouvernementale, les acteurs du secteur, à l’image du Syndicat national des organismes de formation (Synofdes) ou des Acteurs de la compétence, faisaient part de leurs craintes d’une éventuelle rupture du dialogue avec les décideurs publics, ou de voir les questions de formation reléguées au second plan.

« Un bilan positif donc, mais laissant plusieurs dossiers en attente d’arbitrage. »

Il faut dire que le ministère délégué dirigé par Carole Grandjean aura mené des batailles majeures dans les champs de la formation continue et de l’apprentissage. Au-delà d’une gestion efficace des mesures découlant de la loi Avenir Professionnel, le feu ministère a su faire émerger des chantiers ambitieux, s’affirmant face à un ministère du budget déterminé à rogner dans les dépenses. Un bilan positif donc, mais laissant plusieurs dossiers en attente d’arbitrage. Le financement du CPF, la construction d’un espace européen de l’apprentissage, ou encore les négociations du PIC 2.0 avec les régions sont quelques-uns des sujets brûlants qui reviendront directement à la charge de Catherine Vautrin, nouvelle Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. Disposant d’un portefeuille désormais élargi au domaine non moins sensible de la santé, l’ancienne ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité sous Jacques Chirac sera épaulée sur les sujets de formation professionnelle par son cabinet, et notamment par Marine Pardessus, conseillère technique chargée de la formation, de l’apprentissage et des petites et moyennes entreprises.

« La disparition du ministère délégué doit-elle nécessairement mener, comme le craignent les acteurs de la formation, à un abandon du secteur ? »

La disparition du ministère délégué doit-elle nécessairement mener, comme le craignent les acteurs de la formation, à un abandon du secteur ? Les récentes annonces de Gabriel Attal ont de quoi rassurer les plus inquiets. La feuille de route dévoilée par le Premier Ministre le 11 février dernier fait état d’un ambitieux “automne du travail”, construit autour de l’acte II de la réforme du marché du travail. Le texte qui devrait être présenté à la rentrée prochaine abordera notamment la question des parcours, des reconversions et des transitions professionnelles, avec comme objectif de parvenir à un accord entre les syndicats et le patronat. Un vaste programme qui rappelle l’importance des sujets liés à la formation continue dans le cadre de l’objectif de plein emploi défendu par le gouvernement.

Reste tout de même une fâcheuse contradiction, entre un agenda ambitieux sur les questions de formation et les moyens humains déployés pour y parvenir, revus à la baisse dans cette nouvelle organisation gouvernementale. Or, si la formation est un maillon essentiel du retour à l’emploi, de l’insertion durable, et de la baisse du chômage, elle est aussi la clé vers les grandes transitions qu’entend assurer le gouvernement Attal. Les objectifs de faire de la France le champion européen de l’innovation numérique d’ici 2030 ou d’assurer la transition énergétique du territoire seront inatteignables sans une main d’œuvre qualifiée et un accompagnement continu vers la montée en compétences.

« Dans cette nouvelle architecture gouvernementale, l’exécutif aura plus que jamais besoin de remontées de terrains et des contributions formulées par les professionnels du secteur. »

Dans ce contexte, l’on aurait tort de trop s’émouvoir de la disparition du maroquin ministériel de Madame Grandjean. En effet, le décalage entre les ambitions de l’État et l’absence de ministère dédié à l’enjeu hautement stratégique de la formation ouvre une fenêtre d’opportunité inédite pour les acteurs de la filière. Dans cette nouvelle architecture gouvernementale, l’exécutif aura plus que jamais besoin de remontées de terrains et des contributions formulées par les professionnels du secteur. Il revient donc aux acteurs de la formation de se saisir de ce levier d’action afin de contribuer de manière active à la construction des politiques publiques de l’emploi et de la compétence. À l’image de la large consultation du secteur initiée par la mission d’information relative aux dépenses de formation professionnelle à l’Assemblée nationale, l’attente ne devrait pas être longue avant que le gouvernement ne prenne à son tour la pleine mesure des chantiers à venir, et mette en place des mécanismes de concertation et des groupes de travail sectoriels. Pour reprendre l’expression latine de notre ministre de l’Économie, faisons “tabula rasa” des lamentations, car l’heure est désormais à la co-construction.