Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB

« Gérald Darmanin, a orienté sa politique pénitentiaire vers un durcissement des conditions de détention, faisant de la réinsertion professionnelle des détenus un angle mort des chantiers annoncés »

Alors que le débat sur la politique carcérale s’est cristallisé autour des violences en prison et de la surpopulation, le nouveau Garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a orienté sa politique pénitentiaire vers un durcissement des conditions de détention, faisant de la réinsertion professionnelle des détenus un angle mort des chantiers annoncés. Pourtant, agir sur cet enjeu permettrait de réduire durablement la récidive et, par extension, d’alléger la pression sur des établissements pénitentiaires déjà saturés.

Avec près de 79 000 détenus au 1ᵉʳ septembre dernier pour seulement 62 000 places opérationnelles, les prisons françaises sont aujourd’hui confrontées à un taux de densité carcérale de 127,3 %. Plus de 3 600 détenus dorment sur des matelas posés au sol dans des cellules déjà surpeuplées. Le constat est clair : la surpopulation carcérale s’aggrave d’année en année, et la création de nouvelles places de prison ne suffira pas à résoudre ce problème si l’on ne s’attaque pas à ses causes profondes.

Parmi celles-ci, l’insuffisance des dispositifs d’accompagnement à la sortie est un facteur déterminant. Selon l’Institut Montaigne, suivre une formation en détention réduit de moitié le risque de récidive. Pourtant, les offres de formation restent limitées : moins d’un tiers des détenus travaillent durant leur incarcération, et seuls 15 % bénéficient d’un parcours de formation qualifiante, un chiffre en baisse depuis les années 2000, d’après un rapport de la Cour des comptes publié en 2023.

Depuis 2018, des initiatives ont vu le jour, telles que la création de plateaux techniques de formation ou l’introduction du certificat CléA (Certification validant les compétences professionnelles de base), mais elles demeurent insuffisantes face à la diversité des profils des détenus. La forte proportion de personnes incarcérées sans qualification appelle à une stratégie plus structurée pour éviter que la détention continue de faire l’impasse sur la préparation de la réinsertion dans la société.

« Depuis 2015, la formation professionnelle des détenus relève des régions (…). »

En vue de 2027, le renouvellement des Plans Régionaux d’Investissement dans les Compétences (PRIC) pourrait apporter  une partie de la solution. Depuis 2015, la formation professionnelle des détenus relève des régions et l’intégration des mesures spécifiques pour ces publics dans les PRIC permettrait de renforcer les partenariats avec les entreprises locales, les organismes de formations, tout en tenant compte les besoins des territoires.

D’ores et déjà, des actions immédiates pourraient être mises en œuvre. Par exemple, renforcer l’accès au Compte Personnel de Formation (CPF) pour les détenus leur offrirait  l’opportunité d’acquérir des compétences pendant leur incarcération. Ce dispositif devrait alors être complété par une généralisation de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), afin de reconnaître les compétences acquises avant ou pendant la détention.

Par ailleurs, des acteurs comme France Travail pourraient faciliter les passerelles entre les centres pénitentiaires et les entreprises partenaires, notamment grâce au déploiement des Préparations Opérationnelles à l’Emploi Individuelles (POEI), qui préparent les détenus en fin de peine à une embauche directe.

Cependant, ces solutions nécessitent de débloquer des fonds et de porter une vision de long terme, à contre-courant de la politique actuelle, davantage axée sur le renforcement des sanctions et la gestion à court terme de la surpopulation carcérale. Le gouvernement devra faire un choix : poursuivre dans une logique de durcissement, au coût humain et financier élevé, ou investir dans des parcours de réinsertion qui permettraient de réduire durablement la récidive et de désengorger les prisons.

La formation professionnelle en détention ne doit pas être perçue comme un supplément d’âme, mais comme un véritable outil de prévention en préparant les détenus à leur retour dans la société au bénéfice de la sécurité publique et des finances de l’État.