Par Léa Trentalaud, consultante sénior chez CHEFCAB

Ce jeudi marquait l’anniversaire des 100 premiers jours de Gabriel Attal à la tête du gouvernement. Remontant à l’époque napoléonienne, la tradition des cent jours constitue toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête des locataires de Matignon, et donne l’occasion de dresser un premier bilan des actions menées. Le plus jeune Premier ministre de la cinquième république compte bien marquer cet anniversaire à coups d’annonces et par une présence médiatique renforcée, alors que le Monde titrait récemment sur sa stratégie du “coup de com permanent”.

« le Premier ministre a également pris la main sur nombre de sujets de ses ministres, quitte à leur griller la priorité »

Depuis sa nomination en janvier dernier, Gabriel Attal s’est affiché sur tous les fronts : sur les bottes de paille face aux agriculteurs en colère, en passant par les amphithéâtres de Sciences Po, jusque sur la scène internationale avec sa visite récente au Canada, accueilli en quasi-chef d’Etat. Avec un gouvernement largement remanié, le Premier ministre a également pris la main sur nombre de sujets de ses ministres, quitte à leur griller la priorité.

C’est notamment le cas dans le champ de l’emploi, où Gabriel Attal s’est posté en première ligne. Au cours de ses nombreuses interventions médiatiques, le travail s’est imposé comme une ligne directrice. Dès son discours de politique générale, le Premier ministre fraîchement nommé a donné le ton en employant près de 40 fois le mot travail. Il a également martelé son nouveau mot d’ordre : “désmicardiser la France”, alors que la part de salariés au SMIC a atteint 17,3% de la population active en 2023, un record.

Catherine Vautrin, nommée en janvier à la tête d’un ministère élargi regroupant travail et santé, semble jusqu’à présent privilégier les dossiers liés à la santé à ceux en lien avec l’emploi, laissant toute latitude au Premier ministre pour s’exprimer sur ce chantier. La réunion à son initiative d’un séminaire gouvernemental sur le travail le 27 mars dernier témoigne de la volonté de Gabriel Attal de prendre la main sur le sujet. Au programme : pistes pour “désmicardiser”, réflexions sur l’incitation au travail ainsi que sur les nouvelles formes de travail.

 « Alors que le chômage repart à la hausse, la logique voudrait que la protection des demandeurs d’emploi soit renforcée, plutôt qu’à nouveau remise en question »

C’est également le Premier Ministre qui a annoncé le même jour la nouvelle réforme à venir de l’assurance chômage, la troisième depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Parmi les pistes envisagées par Gabriel Attal, la réduction de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi, la diminution de la durée d’affiliation, voire la baisse du montant de l’allocation. Des mesures qui s’inscrivent en faux avec la dernière réforme en date de l’assurance chômage, devant permettre d’ajuster la durée de rémunération des demandeurs d’emploi de façon contracyclique, en fonction de la conjoncture économique. Alors que le chômage repart à la hausse, la logique voudrait que la protection des demandeurs d’emploi soit renforcée, plutôt qu’à nouveau remise en question. Au moment même où l’Etat coupe dans ses budgets pour tenter d’endiguer son déficit, l’annonce du Premier ministre envoie un double signal particulièrement négatif : des économies réalisées sur le dos des chômeurs, d’une part, et un revirement total du gouvernement sur l’assurance chômage, de l’autre.

« À l’heure où l’opposition prépare une motion de censure contre le gouvernement de Gabriel Attal, ce dernier serait bien avisé de ménager sa majorité pour assurer son avenir à la tête du gouvernement »

En serrant la vis de l’assurance chômage, Gabriel Attal a également réussi à susciter l’opposition au sein de son propre camp, poussant l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, l’influent député de la majorité Marc Ferracci, et même la loyale Présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet à exprimer publiquement leurs désaccords. À l’heure où l’opposition prépare une motion de censure contre le gouvernement de Gabriel Attal, ce dernier serait bien avisé de ménager sa majorité pour assurer son avenir à la tête du gouvernement.

Si le Premier ministre est omniprésent sur le front de l’emploi, il semble s’être fait porter pâle pour soutenir la candidature de Valérie Hayer à l’élection européenne. Pourtant, le score de la tête de liste de la majorité pourrait bien influer sur l’avenir politique de Gabriel Attal. Créditée de 19% d’intentions de vote dans les derniers sondages, loin derrière le candidat du Rassemblement National, cette dernière peine à séduire les électeurs. En fonction des résultats du 9 juin prochain, et dans l’hypothèse d’une contre-performance de Mme Hayer, Emmanuel Macron pourrait décider de mettre fin à la période d’essai de Gabriel Attal.