Par Nicolas Citti, consultant chez CHEFCAB

La France est aujourd’hui à un tournant, à la fois économique et institutionnel. A l’heure où les comptes publics virent au rouge carmin et face à une instabilité politique croissante, tous les yeux sont rivés vers l’imminente décision de l’agence Standard & Poor’s, dont la main ne tremblera pas quand il faudra noter la soutenabilité de la dette souveraine française, avec un risque majeur de dégradation.

«  (…) le spectre d’une motion de censure et d’une dissolution du gouvernement plane, menaçant de précipiter le pays dans une crise politique durable (…) »

A l’Assemblée nationale, les débats autour du budget 2025 n’ont rien d’une promenade de santé. Alors que le projet de loi de finances 2025 peine à convaincre les oppositions, le spectre d’une motion de censure et d’une dissolution du gouvernement plane, menaçant de précipiter le pays dans une crise politique durable et aux conséquences financières probablement désastreuses. 

En effet, le projet de loi de finances pour 2025 est ambitieux : 60 milliards d’euros d’économies et de hausses d’impôts pour contenir un déficit public à 5% du PIB. Mais les concessions envisagées, comme la réduction des exonérations de charges sociales et les augmentations fiscales, rencontrent une forte contestation, notamment chez les partis d’opposition. La fragile majorité relative du gouvernement Barnier, dans l’hypothèse d’un recours à l’article 49 alinéa 3, court le risque de faire face à une motion de censure, que certains députés de gauche et du RN semblent prêts à soutenir.

«  Une telle décision accentuerait la défiance des marchés financiers(…) »

Dans ce contexte, les signaux envoyés vers les agences de notation ne sont pas bons. Après Moody’s et Fitch, Standard & Poor’s pourrait placer la France sous perspective négative, voire abaisser sa note. Une telle décision accentuerait la défiance des marchés financiers, amplifiée par l’écart croissant entre les taux souverains français et allemands, qui a atteint des sommets inédits depuis 2012.

Certains responsables évoquent déjà un « scénario à la grecque ». Si la comparaison peut sembler excessive, les symptômes d’une détérioration financière sont là : des taux d’emprunt supérieurs à ceux de l’Espagne ou du Portugal, des obligations d’Etat moins attractives et des marchés de plus en plus nerveux. Si la note française descendait en catégorie A, les règles de nombreux fonds de placement obligeraient à vendre des obligations françaises, entraînant une hausse brutale des taux d’intérêt.

«  Cette situation limiterait drastiquement la capacité de l’Etat à financer des priorités essentielles comme l’éducation ou la santé (…) »

Une telle dynamique ne ferait qu’alourdir le poids de la dette, déjà supérieure à 3 000 milliards d’euros. Cette situation limiterait drastiquement la capacité de l’Etat à financer des priorités essentielles comme l’éducation ou la santé, obligeant à des arbitrages douloureux.

Par conséquent, l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale cristallise les inquiétudes. Si elle venait à se concrétiser, elle plongerait la France dans une nouvelle crise. L’absence de majorité claire rendrait le pays ingouvernable, exacerberait les tensions sociales minerait davantage la crédibilité de l’exécutif, déjà affaibli. L’incapacité à adopter le budget 2025 dans les temps impartis entraînerait la prise de mesures d’urgence pour faire fonctionner les hôpitaux et payer les fonctionnaires, tandis que les autres dépenses risqueraient de ne pas être approvisionnées.

«  Ainsi, les agences de notation (…) n’hésiteront pas à dégrader la note de la France, entraînant le risque d’une spirale d’austérité (…) »

Ainsi, les agences de notation, en quête de stabilité politique et de sérieux budgétaire, n’hésiteront pas à dégrader la note de la France, entraînant le risque d’une spirale d’austérité dans laquelle personne ne souhaite plonger.