Par Camille Bourgeois, consultante chez Chefcab
À quelques mois des élections municipales, les maires observent avec inquiétude le désordre politique national. Le scrutin de mars 2026, censé parler de transports, d’écoles et de projets locaux, risque de se transformer en référendum pour ou contre un pouvoir central à bout de souffle.
En 2020, la pandémie avait escamoté la fin de campagne et découragé la participation. En 2026, c’est le chaos institutionnel qui menace d’éclipser les enjeux locaux.
« Jamais les municipales n’auront été à ce point dominées par la scène parisienne, coincées entre la chute d’un gouvernement et l’ombre de la présidentielle de 2027. »
Sans compter la menace persistante d’une dissolution avant le printemps, qui viendrait superposer deux campagnes et brouiller le sens du vote.
La France connaît bien cette mécanique : les élections locales servent souvent de miroir à l’humeur nationale. En 1995, la victoire de Jacques Chirac à l’Élysée avait entraîné une vague municipale à droite ; en 2008, la désillusion face au sarkozysme avait porté la gauche. Mais cette fois, la nationalisation du débat est plus brutale. Dans un climat de défiance, la moindre élection devient un exutoire.
« Le vote municipal risque d’être moins un choix de projet qu’un défouloir collectif, alors même que les enjeux de 2026 appellent des réponses concrètes dont les maires et les élus de proximité détiennent la clé : transition énergétique, logement, revitalisation des centres-bourgs… »
Cette tension nourrit aujourd’hui une lassitude profonde dans les territoires. Lors du congrès des intercommunalités, début octobre, le mot d’ordre était sans détour : « ras-le-bol ». Ras-le-bol d’un État imprévisible, qui annonce des réformes avant d’en préciser les moyens. Ras-le-bol d’une gouvernance erratique, où les priorités changent au rythme des crises politiques. Ras-le-bol, enfin, de devoir répondre devant les citoyens d’errements qui ne relèvent pas de l’échelon local. Car les maires et présidents d’intercommunalité se retrouvent souvent en première ligne face à des mécontentements qu’ils n’ont pas provoqués : pénurie de médecins, inflation des coûts de l’énergie, retards dans les financements publics. Ils endossent, malgré eux, les promesses d’un État central dont ils dépendent pour leurs dotations et leurs autorisations. Or, si cette République de proximité vacille, c’est tout un pan des politiques publiques — celui du quotidien, du concret, de la cohésion — qui s’effondre avec elle.
« Il faut donc redonner du souffle au local. Les municipales ne doivent pas être le prolongement de la crise nationale, mais son antidote. »
Ces élections peuvent encore offrir ce moment d’apaisement où l’on choisit non pas une bannière, mais un visage ; non pas une posture, mais une manière d’agir. Là où le débat national se perd en mots, le maire agit sous le regard de ceux qui jugent sur preuves. Car c’est bien à l’échelle communale que se construit, au quotidien, ce que la politique nationale peine désormais à garantir : la confiance.
Alors que les partis voient dans le scrutin de mars un test avant 2027, souhaitons que les électeurs, eux, échappent à cette lecture comptable. Qu’ils votent non pour punir ni pour prévenir, mais pour construire. Dans un pays épuisé par la polémique et la défiance, le bulletin municipal pourrait redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un acte de foi dans la politique du concret.