Par Alexandra Gaboriau, consultante junior chez CHEFCAB
« Les besoins de recrutement dans le secteur industriel sont estimés à 1,3 million de salariés au cours de la décennie »

Lors de sa déclaration de politique générale, Gabriel Attal a prononcé pas moins d’une dizaine de fois le mot d’ordre « souveraineté” illustrant, sur le volet économique, l’ambition forte du gouvernement de reconquérir l’indépendance stratégique et industrielle de la France. Une volonté qui contraste avec l’idée d’antan, selon laquelle désindustrialiser ses activités était gage de compétitivité et de progrès. En effet, la crise sanitaire et les tensions géopolitiques de ces dernières années ont rebattu les cartes et levé le voile sur la vulnérabilité de la France largement dépendante de ses voisins internationaux. Cette prise de conscience souligne l’impératif de renforcer l’autonomie industrielle du pays, notamment à travers l’emploi. Les besoins de recrutement dans le secteur industriel sont estimés à 1,3 million de salariés au cours de la décennie, avec plus de 60 000 postes à pourvoir dès aujourd’hui. Si le secteur industriel souffre d’un déficit d’attractivité en matière d’emplois, l’industrie française se révèle pourtant porteuse, offrant des opportunités professionnelles variées et, contrairement aux idées reçues, souvent bien rémunérées (en moyenne 22% supérieures à d’autres secteurs).

« France 2030 a mis un coup d’accélérateur en dotant l’industrie de 54 milliards d’euros »

Depuis 2017, le gouvernement a engagé des efforts sans précédent pour tendre vers une production française plus résiliente et compétitive. Dans le cadre du plan France Relance lancé en 2020, l’Etat a consacré un tiers du budget alloué à la relocalisation. France 2030 a mis un coup d’accélérateur en dotant l’industrie de 54 milliards d’euros. Une enveloppe budgétaire s’élevant à 500 millions d’euros pour accompagner les start-ups issues de la recherche, sur tout le territoire national, est venue compléter ce tableau. À cela s’ajoute la loi Industrie verte, adoptée en octobre 2023, qui ambitionne de positionner la France comme leader de l’industrie de demain en Europe.

Cependant, ces objectifs ambitieux se heurtent à la réalité du terrain dont Julia Faure, Fondatrice de la marque de textile Loom, et co-présidente d’Impact France, s’est faite le témoin sur le plateau de BFMTV, le 6 février, signalant que “l’état des usines est alarmant” en raison d’un volume de commandes insuffisant, déplorant ainsi “un crève coeur pour les patrons d’usines [qui] sont d’irréductibles gaulois”. Une situation qui interroge également les modes de consommation des Français, et leur rapport au Made in France (MIF).

« 64% des français estiment avoir augmenté leur consommation de produits français depuis la crise du COVID »

D’après une étude menée par OpinionWay et le cabinet Insign en 2023, 64% des français estiment avoir augmenté leur consommation de produits français depuis la crise du COVID. 81% des sondés affirment également qu’ils pourraient acheter moins de produits en quantité pour acheter un produit fabriqué en France. Notons que le textile arrive en troisième position au rang des secteurs plébiscités pour basculer vers une consommation tricolore, derrière l’alimentation et la beauté, alors que ce secteur est responsable de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Un combat dont s’est récemment saisi le député LR Antoine Vermorel-Marques, à l’origine d’une proposition de loi visant à lutter contre la “mode jetable”, créant une concurrence déloyale vis-à-vis des industriels du textile français. Le parlementaire souhaiterait instaurer un malus de 5 euros à l’encontre des plateformes pour toute pièce achetée sur des sites mettant en ligne plus de 1 000 modèles par jour.

Si sanctionner les acteurs de la fast fashion qui concurrencent de façon déloyale les industriels français est une nécessité, éduquer les Français à une consommation tricolore et durable apparaît indispensable. Cela passe, néanmoins, par un effort de pédagogie considérable de la part du gouvernement, mettant en lumière l’impact du produire en France sur l’économie et l’environnement.

« Une législation contre le francolavage permettrait de réinjecter pas moins de 4,5 milliards d’euros dans l’économie française et la création de 50 000 emplois »

Enfin, les pouvoirs publics devraient se concentrer sur une meilleure traçabilité des produits, en légiférant sur le francolavage, de l’anglicisme « french washing », pour éviter de tromper le consommateur avec des allégations mensongères, comme un drapeau bleu blanc rouge, sur un produit qui n’est, en réalité, pas fabriqué en France. Une législation contre le francolavage permettrait de réinjecter pas moins de 4,5 milliards d’euros dans l’économie française et la création de 50 000 emplois, selon une étude publiée par la Fédération Indépendante du Made in France (FIMIF) en 2021. À ce titre, une proposition de loi intitulée « Réserver l’utilisation du drapeau français aux produits fabriqués en France » déposée un an plus tard par le député LR Fabrice Brun attend toujours d’être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Si l’Etat compte dans ses rangs un chef de projet “Fabriqué en France” à la sous-direction de la politique industrielle à Bercy, à quand la création d’un ministère défendant l’emblème du cocorico ?