Par Léa Trentalaud, consultante senior chez Chefcab

Après deux semaines de crise politique, pris en étau entre les appels à la dissolution – voire au départ du chef de l’Etat – et la pression des entreprises et d’une partie de l’opinion inquiète des conséquences de l’instabilité, le Premier ministre a fait le choix de redonner au Parlement une place centrale.

« “Le Gouvernement proposera, nous débattrons, le Parlement votera.” Ce mantra, martelé lors du discours de politique générale, paraît relever du bon sens démocratique — il avait pourtant cédé face à la verticalité du pouvoir. »

Après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, l’Assemblée nationale s’était transformée en chambre d’enregistrement. Une première inflexion s’est amorcée après les élections législatives de 2022, et la recomposition de l’Assemblée qui s’en est suivie, entraînant un recours croissant au 49.3. La dissolution et les élections anticipées de juillet 2024 ont fini de morceler et de polariser le Palais Bourbon.

En plus de l’engagement à ne pas recourir au 49.3 – promesse déjà formulée sans succès avant la formation de son premier gouvernement – le Premier ministre a dû cette fois faire une concession majeure : suspendre la réforme des retraites de 2023. C’était une condition sine qua non pour s’arroger le soutien du Parti Socialiste, indispensable à la survie du gouvernement Lecornu II.

«Totem du second quinquennat d’Emmanuel Macron, adopté via l’utilisation de l’article 49.3 en 2023, la réforme des retraites était devenue un repoussoir pour la gauche et les syndicats. »

Une tentative de conciliation avait été amorcée par François Bayrou avec le fameux « conclave », dans l’espoir de rapprocher les positions. Son échec a précipité celui de François Bayrou et de son gouvernement, incapable de rassembler une majorité. C’est finalement dos au mur et au cœur d’une crise politique sans précédent que l’exécutif a cédé, en acceptant de suspendre la réforme. Ce symbole devenu totem d’immunité a permis au gouvernement d’échapper à la censure, à 18 voix près.

« Le bras de fer sur les retraites, initié par le Parti socialiste, permet au gouvernement de se maintenir, et de négocier un budget. »

La tâche sera ardue : elle exigera des débats de fonds et des compromis. Mais face à l’instabilité politique, économique, et dans un contexte international tendu, chacun aura intérêt à doter le pays d’un budget. Car les alternatives pourraient être lourdes de conséquences : en cas de nouvelles élections – législatives ou présidentielle – la probabilité pour que l’extrême droite arrive en tête des suffrages est forte.

Les socialistes ont gagné une première bataille politique, en obtenant la suspension d’une réforme décriée par la gauche, les syndicats, et une part importante de l’opinion depuis 2023. Mais cette victoire pourrait être à double tranchant : il faudra maintenant trouver des sources d’économies pour compenser le coût de cette suspension jusqu’en 2027. Si une forme de stabilité est revenue, le chemin reste étroit pour renouer le dialogue parlementaire et sortir de la crise.