Par Corentin Dattin, consultant senior chez CHEFCAB
« Une série de signaux négatifs récents questionnent la capacité de la France à atteindre cet objectif dans les trois ans qui viennent »

La promesse de l’inversion de la courbe du chômage a coûté à François Hollande son ticket pour un second mandat. Celle du plein-emploi serait-elle en passe de gâcher la fin de règne d’Emmanuel Macron ? Depuis sa réélection en 2022, le Président de la République porte en étendard cet objectif qu’il souhaite atteindre d’ici 2027, et pour cela des moyens conséquents ont été employés ces dernières années : réforme de la formation professionnelle, développement de l’apprentissage à travers plusieurs milliards d’euros mobilisés par an, ordonnances travail, réforme de l’assurance chômage, création de France Travail ou encore réforme du RSA. Les chantiers en matière d’emploi ont rythmé l’action des gouvernements successifs depuis 2017 et représentent un axe fort du discours social porté par le Président de la République. Néanmoins, si la part des demandeurs d’emploi a effectivement diminué conséquemment à ces mesures, sans pour autant atteindre les 5% synonymes de plein-emploi, une série de signaux négatifs récents questionnent la capacité de la France à atteindre cet objectif dans les trois ans qui viennent.

« Le gouvernement réduit la voilure dans les champs de l’emploi et de la formation »

Après avoir régulièrement baissé depuis 2020, le taux de chômage connaît un coup de frein depuis plusieurs trimestres, voire se détériore pour certaines catégories de chômeurs. Autre signe d’une conjoncture économique peu favorable, les intentions d’embauche des entreprises étaient en recul pour le premier trimestre de l’année. Dans le même temps, à la faveur d’une rigueur budgétaire ordonnée par Bercy, le gouvernement réduit la voilure dans les champs de l’emploi et de la formation : le Plan d’investissement dans les compétences, qui représentait un investissement de la part de l’État de 15 milliards d’euros entre 2018 et 2022 pour renforcer la formation des demandeurs d’emploi, voit son enveloppe allégée à 4 milliards pour la période 2024-2027. Par conséquent, les Conseils régionaux, à qui l’État délègue le pilotage de ce plan, sont contraints de revoir leur copie à la baisse pour adapter les compétences aux besoins des entreprises du territoire. Du côté du Compte personnel de formation, malgré les dissonances entre Bruno Le Maire et Catherine Vautrin, l’introduction d’une contribution financière pour les actifs souhaitant se former devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines. Vent debout contre un tel reste à charge, les acteurs du secteur alertent sur ses conséquences négatives en matière d’accès à la formation professionnelle, notamment pour les Français les plus modestes pour qui le CPF représente un levier essentiel pour monter en compétences. Dernièrement, c’est du côté de France Travail que les mauvais signaux sont arrivés. Le nouveau service public de l’emploi n’échappe pas à la recherche inexorable d’économies dans les dépenses de l’État : 600 millions d’euros étalés sur trois ans lui ont été rabotés sur son budget. De l’aveu même de Thibaut Guilluy, patron de France Travail, “le retour au plein-emploi serait menacé” par ce coup de rabot.

« Il est primordial de conserver une vision de long terme sur les investissements collectifs en faveur de l’emploi »

À l’heure où le dynamisme de l’économie française connaît une période de turbulence et que le chômage ne baisse plus, le gouvernement rétropédale là où il faudrait lâcher les chevaux. À l’approche du dernier virage qui doit nous mener au plein-emploi, il est primordial de conserver une vision de long terme sur les investissements collectifs en faveur de l’emploi, sans céder aux chants des sirènes de la rigueur. Ne perdons pas de vue que la lutte contre le chômage de demain se joue dès à présent. Sur les questions d’emploi et de travail, la ministre Catherine Vautrin est pour l’heure restée discrète, priorisant davantage les sujets santé et fin de vie. Bruno Le Maire ne s’est pas fait prier pour occuper le fauteuil vide, dictant le rythme des annonces… et leurs orientations. L’éclaircie viendra peut-être du Haut-commissariat à l’enseignement et à la formation professionnelle nouvellement créé, qui pourra donner des signaux rassurants sur la position de l’objectif plein-emploi dans la liste des priorités de ce second quinquennat.