Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB

C’est un chiffre qui sidère : 5 000 euros de dette supplémentaire par seconde. 

En ouvrant ainsi la conférence de presse de ce mardi 15 juillet, François Bayrou a donné le ton.

Qualifiée de “moment de vérité” par le Premier ministre, la présentation du budget pour l’année prochaine visait à préparer l’opinion à une cure d’austérité.

Parmi les premières mesures dévoilées : la suppression de deux jours fériés – le lundi de Pâques et le 8 mai – censée rapporter près de 3 milliards d’euros à l’État. La proposition du Béarnais préfigure en réalité un effort global estimé à 44 milliards d’euros d’ici 2026.

L’annonce a aussitôt suscité des réactions : à gauche, Jean-Luc Mélenchon dénonce un  “symbole de la violence sociale”, quand Jordan Bardella y voit “une attaque contre notre histoire”, en référence au 8 mai. Dans les heures qui ont suivi, le mutisme du “socle commun” a aussi détonné.

Matignon observait avec une certaine fébrilité le silence prolongé de plusieurs figures, notamment Gabriel Attal et Bruno Retailleau, finalement sortis du bois pour saluer respectivement : l’“ampleur du redressement budgétaire” et le “langage de vérité” du Premier ministre. Mais tous n’ont pas emboîté le pas. Édouard Philippe a appelé à dépasser la controverse « épidermique » sur les jours fériés pour proposer une réponse cohérente fondée sur un triptyque : « travailler plus, dépenser moins, taxer moins ». Faute d’une telle vision structurelle, estime-t-il, le plan Bayrou ne ferait que « contenir » les dérives actuelles sans les corriger durablement.

Un débat qui trouve un écho particulier dans les données publiées par l’Institut Montaigne ce mercredi 16 juillet alertant sur le décrochage de la productivité française : – 2,1 % en six ans. Elle ne progresse plus que de 0,2 % par an. Parallèlement, la durée du travail reste parmi les plus faibles d’Europe (1 673 heures par actif en 2024, contre 1 790 dans l’UE).

Ce double affaissement – à la fois en nombre d’heures travaillées et en productivité horaire – fragilise notre capacité d’investissement, et donc notre avenir en matière de transition écologique, de défense, et d’innovation.  

Allonger le temps de travail peut donc aider, mais isolément,  l’effet en serait contenu. Sans une réforme plus large du marché du travail, une montée en compétences et un investissement dans le capital humain, la France restera sous-performante. Enfin, ramenée aux 44 milliards d’euros visés, la suppression de deux jours fériés pèse peu. Autant que les « réformes structurelles » (4,2 milliards), mais moins que l’«année blanche» (7,1 milliards) ou les coupes dans les dépenses sociales. Et son efficacité reste à prouver,  alors même que le précédent du lundi de Pentecôte (jour choisi en 2005 pour incarner la journée de solidarité) a depuis été largement contourné : aujourd’hui, 70 % des salariés ne le travaillent plus.

Les concertations annoncées sur l’assurance chômage et le droit du travail seront donc décisives.

Mais ce pari du dialogue social intervient après l’échec du conclave sur les retraites, et sur fond de cacophonie gouvernementale. Alors que la ministre du Travail évoquait la monétisation des congés payés, Bercy s’est empressé de démentir tout lien avec le budget 2026. La CFDT, elle, a aussitôt dénoncé une mesure sortie du “musée des horreurs”.

Dans un tel climat, la réussite du plan Bayrou dépendra d’un calendrier social assumé et d’un cap politique cohérent. Mais alors que l’opposition évoque déjà une motion de censure, c’est aussi la stabilité du gouvernement qui est en jeu. Le moment de vérité, pour le Premier ministre, commence à peine.