Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB :

Alors qu’Emmanuel Macron a fixé l’objectif d’atteindre le plein emploi d’ici 2027, l’exécutif a remis aux partenaires sociaux, le 21 novembre dernier, un document d’orientation visant à dessiner le nouveau Pacte de la vie au travail. Patronat et syndicat ont donc jusqu’au 15 mars 2024 pour plancher sur les fondements de ce nouveau contrat social qui se traduira par une loi Travail et qui s’intéressera notamment à l’emploi des seniors.
Cependant, le Ministre de l’Économie n’a pas attendu la fin des concertations pour donner une nouvelle impulsion aux débats.

« Une totale hypocrisie », c’est ainsi que le locataire de Bercy a ouvertement qualifié le système actuel d’indemnisation chômage au micro de France Info, en soulevant l’idée de réduire la durée pour les personnes de plus de 55 ans. À l’heure actuelle, les plus de 55 ans bénéficient de 27 mois d’indemnisation, contre seulement 18 mois pour ceux de moins de 53 ans.

« « Une totale hypocrisie », c’est ainsi que le locataire de Bercy a ouvertement qualifié le système actuel d’indemnisation chômage au micro de France Info »

Quant aux raisons de cette distorsion, Bruno Le Maire interroge : « Qu’est-ce qui justifie qu’on ait encore des durées d’indemnisation différentes suivant que l’on a plus de 55 ans ou moins de 55 ans ? » , « Les plus de 55 ans vaudraient-ils moins ? ». Le Ministre de l’économie critique le maintien de l’indemnisation chômage de 27 mois pour les seniors, y voyant une incitation à la retraite anticipée pour ceux de plus de 55 ans. Il souhaiterait que celle-ci soit la même, toute tranche d’âge confondue. Par ailleurs, Bercy envisage de supprimer la mesure permettant à un salarié de négocier son départ à la retraite avec la garantie qu’il sera indemnisé par Pôle emploi jusqu’à l’âge légal de la retraite. Une disposition à laquelle souhaiteraient mettre fin les trois organisations patronales Medef, CPME, U2P.

Bruno Le Maire appelle par ailleurs à faire abstraction du critère d’âge sur le marché de l’emploi. Un véritable gageure lorsque l’on sait qu’un senior sur trois se dit victime de discrimination, selon une étude du cabinet AlterNego publiée en mai dernier. En effet, les travailleurs plus âgés ressentent également un manque de reconnaissance de la part de leurs employeurs, avec seulement 40 % estimant que leur contribution est justement valorisée. « Notre socio culture s’ancre dans un âgisme qui fait la part belle à la jeunesse et qui renforce les stéréotypes négatifs envers les plus seniors », considère Patrick Scharnitzky, docteur en psychologie sociale. Les conclusions révèlent une triste réalité des discriminations prenant parfois la forme de mauvaises blagues : un quart des plus de 60 ans révèlent avoir subi des moqueries, contre 12 % des 45-49 ans.

« Bruno Le Maire appelle par ailleurs à faire abstraction du critère d’âge sur le marché de l’emploi. Un véritable gageure lorsque l’on sait qu’un senior sur trois se dit victime de discrimination »

Un combat auquel s’est attelé le député Renaissance Marc Ferracci à la chambre basse, qui a en effet déposé un amendement au projet de loi de finances 2024 et une proposition de loi visant à élargir les missions de la Dilcrah, en lui donnant les moyens de lancer des « testings » auprès des entreprises.
Alors que les efforts contre le racisme et le sexisme au travail commencent à porter leurs fruits, la lutte contre la discrimination des seniors peine à entrevoir une progression.
Certaines entreprises font pourtant figure de bons élèves à l’image d’EDF qui favorise leur recrutement, Sanofi qui encourage le transfert intergénérationnel de compétences et L’Oréal qui a lancé un programme international pour cette tranche d’âge. Mais le gouvernement souhaite mettre en œuvre « un vrai plan d’action global pour l’emploi des plus de 55 ans ». Il faut éviter « l’immense gâchis » de l’employabilité des seniors, comme le soulignait la Première ministre lors de l’évènement «Impact PME» organisé par la Confédération des PME (CPME), la semaine dernière.

En parallèle, Bruno Le Maire a proposé sur France Inter le 30 novembre dernier une sortie progressive du marché du travail des seniors avec des contrats à 80% de temps de travail, 90% du salaire et 100% des cotisations retraite. La finalité étant assurément d’« éviter une sortie brutale du marché du travail ». Cependant, le flou persiste sur les modalités de financement, bien que le Ministre ait indiqué que la baisse du chômage induite par cette mesure devrait logiquement entraîner une augmentation des cotisations sociales. Il rappelait de la même manière “[qu’il] vaut mieux payer des cotisations pour quelqu’un qui travaille plutôt que des allocations pour un chômeur”. On pourrait penser qu’il s’agit d’une alternative à l’Allemagne qui enregistre un excellent taux d’emplois de l’ordre de 74% chez les seniors mais qui inclut les “mini-jobs” rémunérés au maximum à 520 euros mensuels – une activité professionnelle qui précariserait les séniors puisque dans 40 % des cas, cette rémunération constitue leur moyen de subsistance principal.

« Ces mesures proposées par Bruno Le Maire mettent en évidence l’enjeu de sensibiliser davantage le grand public et les employeurs sur la valeur ajoutée d’embaucher ou de maintenir dans l’emploi les plus de 55 ans »

Ces mesures proposées par Bruno Le Maire mettent en évidence l’enjeu de sensibiliser davantage le grand public et les employeurs sur la valeur ajoutée d’embaucher ou de maintenir dans l’emploi les plus de 55 ans.